Gens des Hauts est une coopérative (SCOP) établie dans les Hautes-Alpes. Fondée par trois associés aux parcours et compétences variés, Gens des Hauts se donne comme horizon l’autonomie des personnes et des territoires. L’autonomie se construit dans l’interdépendance, avec d’autres donc, citoyens, associations, collectivités territoriales, entreprises… Pluriactive, elle œuvre dans des champs couvrant les toilettes sèches, le compostage, le travail du bois, l’autonomie alimentaire, la lecture et l’accompagnement de projets. Son leitmotiv : le nord des Hautes-Alpes, un territoire résilient, qu’on respecte et qui nourrit.

AUTEUR(S)

PIRONNEAU Benoît nouscompostons@gmail.com

Fiche rédigée par Cécile BIRET

PROGRAMME

Démarrage: Mai 2017

Lieu de réalisation: Nord des Hautes-Alpes

Budget: 120000

Origine et spécificités du financement : Conventions de partenariats et prestations de service

ORGANISME(S)

Gens des Hauts

Guillestre - 05600

Le Plan de Phazy

3 Salariés

Ou

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COMITÉ DE LECTURE

Date de lecture de la fiche

10/16/2018

Localisation

France Provence-Alpes-Côte d'Azur Hautes alpes

Appréciation(s) du comité

Innovant !

Domaine

Environnement Réseaux, coopérations Agriculture Alimentation

Type de structure

Coopérative Coopérative

Envergure du programme

Locale

Bénéficiaires

Entreprise Population rurale Population urbaine Agriculteurs

Type d'acteur

Valorisation non alimentaire de produits agricoles

Type d'action

Valorisation non alimentaire Valorisation des déchets

Type d'objectif

Environnementaux Préservation de la qualité / fertilité des sols Environnementaux Réduction/traitement des déchets, économie circulaire Pédagogiques Sensibilisation des consommateurs Développement local Maintien et/ou création direct(e) d’emplois Développement local Synergie entre les acteurs du territoire

LOCALISATION
LICENCE

Copyright: Licence Creative Commons Attribution 3.0

Pour citer un texte publié par RESOLIS:

PIRONNEAU Benoît, « Gens des Hauts : l’autonomie dans l’interdépendance », **Journal RESOLIS**

ORIGINE ET CONTEXTE

Cette jeune SCOP a émergé des liens établis depuis 2011 entre les trois salariés actuels de la structure. Les trois collègues faisaient partie auparavant d’une même Coopérative d’Activité et d’Emploi. Ils partageaient le même objectif de promouvoir la coopération, dans le respect des personnes et dans le souci d’agir sur le territoire. De fil en aiguille, ils ont décidé de créer leur propre coopérative : Gens des Hauts.

OBJECTIFS

Gens des Hauts se donne comme horizon l’autonomie des personnes et des territoires. L’autonomie se construit dans une recherche permanente d’interdépendance. Gens des Hauts revendique son appartenance à l’économie sociale et solidaire et affirme que l’économie est un moyen mais pas une finalité. Le marchand, le non marchand et le non monétaire cohabitent en évitant que le marchand ne prenne le dessus sur les autres composantes.

Dans cette perspective, la SCOP travaille à partir de plusieurs entrées :
- Les toilettes sèches
- Le compostage
- Le travail du bois
- La lecture
- L’accompagnement de projets

Les objectifs spécifiques de la SCOP sont :

- Installer sur le territoire des toilettes sèches publiques valorisant les ressources locales et la créativité haut-alpine, en assurant la maîtrise du traitement des résidus par compostage localement
- Déployer la gestion de proximité des biodéchets : réduction du gaspillage alimentaire, compostage de proximité, collecte séparée et micro-plateformes de traitement
- Utiliser localement le compost (toilettes sèches et biodéchets) en lien avec le projet alimentaire territorial
- Promouvoir le convivialisme, c’est-à-dire la recherche d’un art de vivre ensemble qui valorise la relation et la coopération et qui permette de s’opposer sans se massacrer, en prenant soin des autres et de la Nature

ACTIONS MISES EN OEUVRE

Echelle d’actions : Nord des Hautes Alpes
Ressources humaines : 3 salariés permanents, 2,5 ETP
Fonctionnement de la SCOP : Prééminence accordée aux personnes ; Gestion démocratique (une personne ; une voix) ; Modèle d’économie plurielle fondé sur la réciprocité sociale, l’autoproduction, l’échange marchand et la redistribution.
Actions :
- Installation de toilettes sèches, de sites de compostage (collectifs ou dans les établissements) et de plateformes de traitement
- Accompagnement technique auprès des particuliers et des établissements à la réduction du gaspillage alimentaire et à l’utilisation des sites de compostage et valorisation du compost
- Formation-action des référents de sites de compostage et des agents de collectivités
- Accompagnement des collectivités dans la mise en place d’un dispositif de gestion de proximité des biodéchets et d’un réseau de toilettes sèches publiques
Projets en cours :
- Participation au projet « Opération Grands Cols » dont le but est de valoriser les cols des Hautes-Alpes, portes d’entrées emblématiques du territoire. Dans le Guillestrois Queyras (Agnel, Izoard et Vars), installation de toilettes sèches et mise en place des synergies pour l’entretien sanitaire et le traitement/valorisation des résidus.
- Participation aux projets « Territoire Zéro Gaspillage Zéro Déchets » portés par les trois lauréats du nord des Hautes-Alpes : Communauté de Communes de Serre-Ponçon, SMITOMGA, Communauté de Communes du Briançonnais
- Mise en place d’un parcours pédagogique autour du dispositif de gestion locale des biodéchets sur la ville de Briançon

RÉSULTATS ET IMPACTS, QUANTITATIFS ET QUALITATIFS

- Installation et suivi d’une cinquantaine de sites de compostage : établissements, pied d’immeubles et quartiers
- Accompagnement au passage d’une logique de « sites de compostage » à une logique de dispositif territorial
- Installation de 13 cabines de toilettes sèches publiques et développement des partenariats pour un maillage territorial
- Mise à disposition de cabines mobiles ou d’une caravane de toilettes sèches sur plusieurs événements en lien avec des partenaires « amis » (Artgricoles notamment)
- Décloisonnement des compétences : les approches « toilettes sèches », « gestion locale des biodéchets » et « système alimentaire territorial » sont reliées et permettent des synergies inédites
Echelle d’action : La SCOP revendique un territoire de référence (le nord des Hautes-Alpes) avec lequel elle agit directement. Elle ne souhaite pas étendre son aire d’activités au-delà car il faut conserver une proximité physique. La SCOP s’inscrit néanmoins dans des réseaux (compostage, assainissement écologique, convivialisme) pour porter des actions collectives à des échelles géographiques plus larges. Gens des Haut est en outre engagé dans une action partenariale avec des bibliothèques communautaires du Pernambouc (Brésil).

Résultats économiques :
Jusqu’à présent, la SCOP parvient à atteindre ses objectifs proprement économiques : sécuriser les salaires (volontairement limités à 1500 euros par personne) ; accorder une place prépondérante aux échanges fondés sur la réciprocité.

La dimension économique de Gens des Hauts est assumée mais la finalité n’est pas la recherche du profit. Il s’agit au contraire de réduire au maximum la dépendance par rapport aux revenus monétaires.

En résumé, les salarié-associés regardent simultanément trois grands indicateurs : la sécurisation des salaires ; le sens des activités ; l’équilibre entre engagement professionnel et engagement personnel.

ORIGINALITÉ

Les actions de la SCOP vont beaucoup plus loin que la simple installation de toilettes sèches ou de sites de compostage sur un territoire donné. La SCOP a une vision globale du fait que l’installation de ces équipements et du traitement des déchets peut s’inscrire dans un cycle vertueux porté par différents acteurs pour l’autonomie des personnes et des territoires. Le souhait de coopérer et de travailler en réseau pour conduire leurs actions est donc central.
L’initiative vise à développer l’autonomie de chacun. L’idée défendue est que tout le monde sort renforcé de la coopération. Les salarié-associés se plaisent à citer cette phrase de Paulo Freire : « personne ne libère personne. Personne ne se libère seul. Les hommes et les femmes se libèrent en communion ».

PARTENARIAT(S)

- Partenariats avec des collectivités territoriales : Département, Communautés de Communes, Communes, Parc Naturel Régional
- Partenariats avec des entreprises et associations : consommation en circuits courts, agriculteurs, entreprises de toilettes sèches...
- Inscription dans des réseaux : Réseau Compost Citoyen, Réseau de l’Assainissement écologique, Les Convivialistes
- Bibliothèques communautaires au Brésil, bibliothèque de rue à Nantes

RETOUR D’EXPÉRIENCE

Difficultés et/ou obstacles rencontrés pendant la mise en œuvre :

L’imaginaire marchand est encore très largement hégémonique et pèse lourdement sur les pratiques.
Gens des Hauts travaille beaucoup avec les collectivités territoriales :
1°) le code des marchés publics ne facilite pas les approches partenariales public/privé où offres et demandes se construisent conjointement dans la durée ;
2°) le cloisonnement entre compétences ; entre services ; entre collectivités ne facilitent pas toujours les approches transversales ;
3°) les restrictions budgétaires réduisent l’ambition des programmes ou font qu’ils sont abandonnés en cours de route. Il n’est donc pas aisé de se projeter sereinement dans la durée ;
4°) Malgré la volonté affichée de rapprocher monde des élus, monde des entreprises et monde des citoyens, on reste parfois dans les beaux discours. La SCOP est considérée comme un simple prestataire de services et les négociations se font uniquement autour du prix sans véritable considération pour le contenu.
Gens des Hauts travaille ou côtoie également des acteurs « associatifs » ou de l’économie sociale et solidaire en lien avec ses activités :
1°) la SCOP a été confronté à des situations de pure instrumentalisation (pour ne pas dire manipulation) qui nuisent considérablement à la démarche d’ensemble. L’investissement pour essayer de rétablir les choses est considérable ;
2°) la SCOP doit aussi faire face à des situations de concurrence déloyale, entre acteurs de l’ESS.

Solutions adoptées pour répondre aux difficultés et/ou obstacles :

Se serrer les coudes en interne et s’entourer d’un réseau « amis », personnes de confiance : discuter et échanger sur les situations rencontrées pour prendre du recul, relativiser et finalement prendre des décisions en cohérence avec les fondamentaux de la SCOP.
Les rapports de coopération sont toujours recherchés et privilégiés mais il faut aussi savoir changer de posture parfois et rentrer en « négociation ».
Conserver fermement la vision globale du puzzle - le nord des Hautes-Alpes, un territoire résilient qu’on respecte et qui nourrit – tout en adoptant une démarche très pragmatique valorisant l’existant, les possibles et les différentes pièces du puzzle prises indépendamment.
Rester convaincus qu’il y a toujours une alternative (contrairement au tristement célèbre TINA – there is no alternative) et que les contraintes nourrissent aussi la créativité.

Améliorations futures possibles :

- Développer le réseau des « amis » de Gens des Hauts
- Poursuivre et approfondir sous forme d’une recherche-action la démarche engagée autour d’un territoire résilient qu’on respecte et qui nourrit

Présentation des facteurs de réussite et conseils pour une généralisation ou un essaimage :

- Travail en coopération encouragé par les conventions de partenariat
- Cadre de travail souple et réactivité possible de la SCOP dus à sa petite taille
- Pluriactivité assumée et recherchée : l’autonomie dans l’interdépendance
- La complémentarité des compétences de l’équipe : toilettes sèches, compostage, gestion d’équipe et vision stratégique

Idées de sujet(s) de recherche fondamentale ou appliquée :

Intérêt en effet pour poursuivre et approfondir les actions engagées autour d’un « territoire résilient qu’on respecte et qui nourrit » sous forme d’une recherche-action (démarche caractéristique de l’économie sociale, dans laquelle Gens des Hauts serait partie prenante en tant qu’acteur-chercheur). Quelques suggestions à creuser :
1°) Caractériser le territoire
- Dans le cadre théorique du « développement territorial » définit par Pierre Campagne et Bernard Pecqueur dans Le Développement Territorial. Une réponse émergente à la mondialisation. ECLM 2014. On pose l’hypothèse que le nord des Hautes-Alpes n’est pas une zone rurale « favorable » au regard de la mondialisation (insertion dans le marché mondial) mais que pour autant cela reste la référence des décideurs locaux. Le territoire gagnerait beaucoup à s’affranchir de cette représentation.
- Réaliser une enquête des « terrains de vie » selon la proposition de Bruno Latour. « Où atterrir. Comment s’orienter en politique ». La Découvert 2017.
2°) Appréhender le modèle économique d’ensemble, dans une perspective d’économie circulaire, c’est-à-dire qui considère conjointement les dynamiques marchandes, non-marchandes et non-monétaires du processus dans sa globalité (cadre théorique de l’économie plurielle et du paradigme du don développé par le MAUSS – Mouvement Anti-Utilitariste en Sciences Sociales).